A la Découverte du Vieil Alger : Les Constructions militaires de “D’zaïr Q’dima”


. Les Janissaires.

Vers 1745, les Janissaires étaient au nombre de 11900. La majorité de ces soldats étaient turcs et provenaient d’Anatolie (partie asiatique de la Turquie)La seconde  partie de cette armée était composée des convertis à l’islam, que les européens appelaient les Renégats. Ils étaient massivement présents dans la course maritime au  XVIe siècle et dans la première moitié du XVIIe siècle. Ils étaient désignés par le mot Eulj

Enfin, la présence de janissaires Algériens de souche n’était pas massive, mais équivalente à celle des chrétiens convertis à l’islam. Ils étaient de diverses régions du pays : Biskra, Annaba, Bejaia, Jijel ... 

Les janissaires pouvaient avoir différents grades :

Yoldâch (simples soldats), 
Les odabachï (sous-officier commandant d’une unité d’environ 20 soldats), 
Les bölükbachï (chef de compagnie), 
Les yayabachï (commandant) 
et les Agha (tête de la hiérarchie militaire).

Yatagan Turque : Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques.


Les janissaires (simples soldats ou gradés) pouvaient habiter dans la caserne, ou ailleurs. Le logement dans la caserne n’était pas obligatoire. Le mariage des janissaires ne leur était pas interdit, mais entraînait leur expulsion de la caserne, et la privation du droit au pain quotidien . 

Les fils de janissaires mariés à des femmes Algériennes étaient appelés kuloghlu العراقلة. Ces enfants étaient  hybrides quant à leur statut dans la société : mi-militaires mi-civilsCe terme " kuloghlu " était appliqué uniquement à une seule génération. Les fils de ces kuloghlu retombaient dans la masse de la population locale.

Kuloghlu : Eugène Delacroix : 1798 - 1863.



. Dar Yenkecheria Mtaâ El Khoddarine. 

Cet édifice était composé de deux casernes : M’ta Khoddarine kdima (l'ancienne caserne), et Mt’a Khoddarine Djedida située en contre-bas de la précédente, et qui renfermait une petite mosquée, désignée : Mesdjed Ramdane pacha. L'ensemble des casernes du Quartier Khoddarine comprenait une quantité considérable de bâtiments  d'importance et de forme diverses entourant entièrement dix petites cours et deux grandes. Plusieurs de ces cours  étaient entourées d'une galerie à arcades.
 
Les deux casernes  étaient fermées du côté des remparts  et avaient leur entrée dans la rue. Leurs deux portes, dont la sculpture est attribuée à des esclaves chrétiens ont été conservées lors de la transformation des casernes en cercle militaires. 
 
Chaque porte est surmontée d’une inscription qui donne le nom de leur architecte et la date de leur constructionL’inscription de la porte de la caserne inférieure, donnant accès à la terrasse du restaurant du cercle, indique que la caserne  a été construite « pour les nobles soldats », sous le règne  Mourad, au temps du Pacha Hussein, par les soins de Moussa l'Andalous, l’année 1037 de l’hégire (soit 1628).

Celle de la caserne supérieure, donnant accès dans la cour mauresque des ficus, indique que la caserne a été terminée sous le gouvernement dAbou El Hassan Ali, par les soins de Sidi Ali, fils de Sidi Moussa l'Andalou, l’année 1047 de l’hégire(soit 1638).

À chacune des deux portes étaient suspendues une grosse chaîne permettant aux criminels qui s’y accrochaient de trouver asile. Les casernes étaient considérées à l'époque comme des lieux d'immunité.
 
Sur un des côtés de la caserne se trouvait enclavée Djamaa baba Ali bâtie en 1750 par le Pacha Ali sur l’emplacement de la Zaouïa de Sidi Lekhal et désaffectée en 1830 par l’autorité militaire et transformée, en 1870, en chapelle pour le séminaire.


Inscription turque provenant d'une caserne de janissaires sise autrefois rue Médée. (Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques).


"Que Dieu, comblant en tous temps les désirs de Mustafà pacha, le fasse parvenir à son but! Il a construit une porte pour les guerriers de la religion; il n'est rien de semblable pour offrir un sujet d'admiration si parfait. Une voie mystérieuse a dit : « Allons! regarde, toi qui demandes quelle est la date : Le nom de celle-ci est porte de l'assistance de Dieu»."

Inscription turque provenant d'une chambre de la vieille caserne de janissaires de la rue Médée. (Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques).


"Sivrî-Hisâry Hasan a employé ses ressources à faire graver la date de la fondation de cette salle; miséricorde soit faite à ses ancêtres ! Pèlerin du Prophète; il a fait embellir sa chambre; il a provoqué de nombreuses actions de grâce. Que cette date attache la vie à son nom / Année 1171".

Inscription turque provenant d'une caserne des janissaires sise autrefois dans la rue Médée. (Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques).


"Le 'achjî Hasan a fait inscrire cette date en mille deux cent cinq, et a réparé et restauré sa chambre. Année 1205".


 . Dar Yankecheria Mtaâ Bab Azoun. 

La caserne était située entre la rue du Souq, les Remparts et la Mer, près de la Porte Bab Azoun, près de la Rahbat Ezzraâ (marché aux grains), de la batterie El Assel (miel) et du Foundouk  el Assel (foundouk au miel).

Les références bibliographiques indiquent qu'elle fut construite en 1548, par Mohammed ben Mustapha sous Hassan Pacha Ben Kheir-Eddine, ou en 1551 sous Abou Mohamed Hassan, alors que l'inscription murale exposée au Musée Nationale des Antiquités et Arts Islamiques évoque l'an 1796 sous Hassan, sultan d'el Djazair (1791 - 1798). Elle portait différents noms : Mtaâ el Kebira, la Grande Caserne, en raison de son étendue, de ses dimensions et de son importance, Mtaâ Labendjia : caserne des buveurs de petit lait.

Inscription turque provenant d'une caserne de janissaires sise autrefois près de la Porte dite Bâb-'Azzoûn.  (Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques).


" En élevant cette construction, Hasan pacha, vizir aux belles qualités, qui n'a pas son pareil en bienveillante munificence , a laissé une trace en ce monde périssable. Puisse-t-il trouver sa récompense au jour de la récompense ! Année 1211".

En 1873, la caserne est démolie pour laisser la place à l'immeuble Larade, puis à l'Hôtel Royal de l'Oasis



. La Caserne Kherratine. M’ta-Kherratine (des Tourneurs). 

Ainsi nommée, de la présence de nombreux ouvriers de cette profession établis dans le voisinage. Dans cette caserne, bâtie, croit-on, par Kheir-eddine, Mohammed Pacha, Ali-Pacha et Baba-Ali firent leur service militaire.

Inscription arabe provenant de l'ancienne caserne d'EI-Kerrâtin. (Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques).


"Cette construction a été achevée avec l'aide du Créateur. Que Dieu pardonne à celui qui l'a bâtie, le pécheur noyé dans le mal, qui est El-Mohammed ben El Hasen, khaznajî de Ali pacha. Que Dieu, le Nourricier, étende sur lui ses bienfaits ! La date de l'année est mille cent vingt-cinq, dans le mois de rejeb ; que Dieu la termine dans d'excellentes conditions!".


. Caserne des Janissaires de la Citadelle d'Alger.


Transformé en Salle d'Exposition.



. L'Amirauté d'Alger.

Le port d’Alger a plusieurs siècles d'existence. Son histoire est intimement liée à celle de la ville d'Alger, dont il est le cœur. C'est là que se préparaient les expéditions des corsaires et que ceux-ci amenaient leurs riches prises: navires, esclaves et marchandises.


Adolphe OTTH . Esquisses africaines dessinées pendant un voyage à Alger et lithographiées par Adolphe Otth Berne Wagner 1839.


Vue Sur la Darse d'Alger, Les Voutes Khair-Eddine, et Le Palais des Rïas. 
En Arrière Plan La Grande Mosquée d'Alger.



Quelques Composantes de la darse d'Alger.

. La Jetée Kheiredine.

En 1529Barberousse entreprend la prise du Peñon d'Alger. Après deux semaines d'intensifs bombardements d'artillerie, les Ottomans prennent d'assaut le fort. Des 150 hommes que comptait la garnison du capitaine Martin de Vargas, le quart seulement survit. Barberousse fait raser la forteresse et emploie les pierres pour la construction d'une jetée entre la plage et le rocher.


. Mausolée Sidi  Brahim El Bahri. 

Cette petite mosquée sans minaret était fréquentée par les gens de la mer. Les femmes stériles venaient se recueillir sur sa tombe en quête d’une éventuelle fertilité. 


. Bordj El Penon / Bordj El Fanar / Fort du Penon. 

Une Tour vigie servant de phare fut le premier ouvrage construit par les Andalous chassés d'Espagne : la Tour des Maures. C'était à l'époque le point de reconnaissance du mouillage de la ville.

En 1510, après la prise de Bejaïa par les Espagnols, Alger devient tributaire de l'Espagne catholique et lui livre un des îlots qui barrent le port pour échapper à la destruction. Les Espagnols érigèrent le Penon, en partie avec les matériaux de l'ancienne tour des Maures.

Après la mort de Ferdinand V dit le catholique en 1516 et pour échapper au traité qui engageait Alger à payer un tribu annuel à l’Espagne, Selim Ettoumi fait appel au corsaire ottoman d’origine grec Arroudj Barberousse pour les déloger. Après de nombreuses tentatives de reconquête, ce dernier cédera le pouvoir à son frère Khayr al-Din qui treize ans plus tard en 1529/1530 détruira le Penon grâce à son artillerie. La forteresse du Peñon fut ainsi rasée à l’exception de deux tours. 

En 1541, sous le gouvernement de Hassan Pacha une tour (60 mètres de diamètre et de 35 mètres de hauteur) qui abrite l'actuel Phare fut construite sur les ruines du Penon. Le môle connaîtra de nombreuses modifications au cours de la présence ottomane et française. 


Bordj Ras El Moul. 

Ce Bordj (de la tête du môle) se situe à l’extrémité de la darse. Il était armé de trente pièces. Ce fort, commencé en 1704, fut agrandi par Hadji Mustapha et terminé par Ali ben Hussein, en 1712.


Là se trouve la Porte des Lions, ornée de félins en couleurs, du sceau de Salomon, d’ une couronne, de plaques épigraphiques  qui, s’ouvre sur un ancien corps de garde décoré de fresques. 


. Bordj El Goumen (Fort des Cordages).

Ce fort fut construit  par Omar Pacha, de 1815 à 1826, à l’emplacement de la vigie édifiée en 1572 à l’entrée du Port par le Dey Arab Ahmed. Il doit son nom au magasin de cordages qui occupait son rez-de-chaussée. 

Il était armé de 30 pièces disposées sur deux rangs : 17 embrasures hautes et 13 basses. À l’angle du grand môle et de l'ilot du sud le Bordj es Serdine et le Bordj el Goumen étaient reliés par une voûte qui renfermait le canon dit "Baba Merzoug" également appelé "La Consulaire".

Inscription turque provenant du fort dit Borj El-goumen, à Alger.  (Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques).


"Bien qu'elle fût devenue fort ancienne, la vigie était indispensable. Dieu soit loué! Elle est maintenant achevée et a reçu une organisation. A l'origine, la vigie n'avait que deux canons : c'était peu. A présent, elle est devenue ainsi un fort à six canons : cest la sécurité. Son constructeur est 'Omar pacha, compatriote de celui qui fit la conquête. Puisse-t-elle durer tant que dureront les mondes, jusqu'au jour de la résurrection! 0 hommes de garde, observez bien qui aborde à ce rivage ! Artilleurs qui êtes du nombre, allez, donnez vos soins aux canons!si le moment est venu, dis c'est en toi qu'est sa date : « Elle a été achevée en l'an mille deux cent trente-et-un ». Année 1231 h".

. Bordj Mabine.

La construction du Bordj Ma Bine date de 1823 à 1824 sous Hussein Pacha. Il est situé près de la voûte de la grande jetée, et prolonge le Bordj el Djedid. La batterie domine en arrière le Bordj Es Sardine en lui formant un 3ème étage à feu avec 16 embrasures, 4 au nord, 13 à l'est et 1 au sud-ouest. L’entrée se fait par une belle porte donnant dans une voûte.


Inscription Provenant de Bordj Ma bine


Autres Tours de l'Amirauté d'Alger.



Fortifications Extra-muraux.

. Bordj Ezzoubia.

Cet édifice fut construit par Mustapha Pacha entre 1802 et 1803, à l’extrémité nord de la ville. Il était adossé aux remparts d'El Djazeïr. Il a été élevé à l’emplacement d’un ancien bastion construit sous Ramdane Pacha, en 1576. On lui attribue le nom de Bordj Ezzoubia car il était situé près d’un dépôt d’immondices.


Même type de sentinelle au niveau de l'Amirauté d'Alger.


Le fort était élevé sur deux étages de voûtes. Seules deux portes en permettaient l’accès : 

L’une du côté de l'embarcadère sur la plage (el kitani) au niveau d'une petite crique où l’on démolissait les bateaux provenant des prises, et l’autre du côté du  Bordj bab El Oued (Place Bresson). Les locaux se composent d'une suite d'anciennes casemates, dont une partie fut affectée aux logements des condamnés militaires employés pour les grands travaux du môle et des quais.

Inscription turque provenant du fort dit Borj Jedid, sur l'emplacement duquel a été construite la caserne Pélissier (Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques).


"La pierre précieuse de la mine d humanité, le vizir plein de munificence, a donné l'ordre de construire cette citadelle fortunée. Contemple, et fais ce souhait en faveur de Mustafa pacha : « Que le Maître ne prive pas le coursier de son empire de selle et de bride! » Année 1217".
 
Lors de la construction des grands boulevards, la fort est englobé dans la caserne Pélissier actuellement la Direction Générale de la Sûreté Nationale.



. Bordj Bab El Oued Ou Fort des 24 Heures.

Ce fort reçut plusieurs appellations : Bordj Bab El Oued, en raison de sa situation, Bordj Setti Takelit, car il était bâti à proximité du marabout consacrée à une Sainte femme kabyle que venaient invoquer les jeunes femmes désireuses de se marierBordj El Hadj Ali PachaBordj bou LilaFort des Vingt-quatre heures, nom donné par les européens en raison du temps passé par les janissaires chargés de sa défense.

On raconte qu'un maure du nom de Géronimo (Le Vénérable Géronimo, déclaré tel par le pape Pie IX, fut un musulman du XVI siècle qui quitta l'islam et se convertit au christianisme. Le dey d'Alger tenta de lui faire abjurer sa foi, et devant son refus, lui infligea le martyre d'être emmuré vivant dans les murailles d'un fort de Bab El-Oued, où ses restes furent découverts en 1853.wikipedia) fut enseveli vivant, dans un bloc de pisé en 1569 sur cet emplacement. 

Les travaux de construction de Bordj Bab El Oued démarrèrent en 1557 sous Mohamed Pacha et se termineront en 1568 au cours du règne du Pacha Ali El Euldj. Il était armé de 27 canons, les plus gros calibres étant tournés vers la mer. A l'emplacement de ce fort, fut aménagé en 1880, le square Nelson ( Source Le soir d'Algérie). 


Inscription turque provenant du fort dit de Bab el Oued. (Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques).


"Un très grand vizir a dépensé des richesses dans la voie de Dieu et édifié, à Alger, ce rempart solide et élevé. Grâce à son élévation supérieure, il atteint la hauteur du firmament. Sur la surface de la terre, tu ne trouverais pas son pareil! Il dit : « Pour que son nom soit mémorable et que la date [de son règne] se perpétue, Mohammed pacha a fait construire cette forteresse bien gardée. » Année 976".


. Bordj Mers El Debane.

Comme l'atteste l'inscription murale exposée au Musée Nationale des Antiquités et des Arts Islamiques, ce fort fut construit par le Dey Hussein  en 1824. Cette citadelle se situe au Boulevard Said Touafdit, à proximité de la cimenterie. Son armement se composait de 12 canons, que les artilleurs, en 1830, jetèrent à l’eau à l’arrivée des Français. Il fut classé au patrimoine national en 2012.

Inscription turque provenant du « Fort-Neuf » de la Pointe-Pescade. (Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques).


"Le gouverneur sultan d'Alger, Huseyn pacha, en faisant construire ce fort, a fondé un monument en vue de la guerre sainte. Année mille deux cent trente neuf. 1239".