La ville de Rusguniae est située à l’est de la baie d’Alger, dans la localité de Tamentefoust (ex-Lapérouse), commune d’El Marsa. Cette ancienne cité côtière fut fondée par les Puniques. Le nom dériverait du phénicien "Rus" (cap) et de racines berbères évoquant une falaise ou un groupe humain (Guniae). Elle occupait un emplacement stratégique, protégé des vents, idéal pour le commerce maritime.
Vestiges de Rusguniae.
Rusguniae a vu se succéder plusieurs civilisations : Punique, Romaine, Byzantine, puis Ottomane. Pline l’Ancien mentionne son statut de colonie romaine fondée par Auguste. Elle prospéra jusqu’à l’époque byzantine. Déjà au XIIe siècle, le géographe Edrissi signalait encore des vestiges impressionnants. Cependant, la ville fut ruinée par les invasions gothiques, et ses pierres réutilisées notamment pour bâtir les murailles d'Alger.
. Durant la période Punique, Rusginiae faisait partie des comptoirs phéniciens qui se succédaient régulièrement tous les 30 à 40 km le long du littoral algérien. Aujourd'hui, il ne reste aucune ruine de l'empire maritime de Carthage, à l'exception de quelques fragments d'amphores datant entre le IIe siècle av. J.-C. et le VIIe siècle de notre ère. Environ 100 stèles puniques et néo-puniques ont été retrouvées dans cette région.
Stèles Puniques.
. La fondation de Rusguniae en tant que colonie romaine remonte à avant l’an 27 après J.-C., avec l’arrivée de la légion IX Gemella. D’abord sous une certaine autonomie vis-à-vis du Royaume mauritanien, la cité fut définitivement annexée à l’Empire romain en 40 ap. J.-C. Elle fut alors intégrée à la province de Maurétanie Césarienne. Les premiers habitants de Rusguniae étaient en grande partie des vétérans d’Auguste, enrôlés dans la tribu Quirina, un statut qui leur conférait des privilèges civiques et fonciers.
Sarcophage Romain.
Malgré son essor, la région ne fut pas épargnée par les conflits. Au milieu du IIIe siècle, une révolte connue sous le nom d’Insurrection de 253 secoua la zone, remettant en cause l'autorité romaine. Un siècle plus tard, en 372, éclata la Guerre de Firmus, du nom du chef berbère qui se souleva contre Rome. Plusieurs cités de la côte furent alors attaquées, parmi lesquelles Rusubbicari (aujourd’hui Zemmouri el Bahri) et Icosium (Alger). Si Tipasa résista, Caesarea (Cherchell) et Cartennas (Dellys) tombèrent, marquant une nouvelle période de crise pour l’ensemble de la province.
. Durant l'invasion Vandale, la ville de Rusguniae fut épargnée, contrairement aux autres provinces romaines d'Algérie. Après être devenues indépendantes du pouvoir central romain, plusieurs villes de Maurétanie Césarienne, dont Rusguniae, ont prospéré, notamment par la construction d’églises.
. En 533, les Byzantins débarquèrent à Carthage et réorganisèrent l’Afrique par un édit en 534. Bien qu’ils ne contrôlent pas l’ouest de Sitifis, ils maintinrent certaines positions côtières, dont Rusguniae, qui continua à exister en tant qu’enclave byzantine.
. Au fil des siècles, l’ancienne ville de Rusguniae, jadis florissante sous Rome, puis enclave byzantine, a peu à peu sombré dans l’oubli. Pourtant, même au XVIe siècle, son souvenir demeurait vivant : en octobre 1541, lors de sa célèbre expédition contre Alger, l’empereur Charles Quint y tient un conseil de guerre, au milieu des ruines encore visibles de la cité antique.
La proximité immédiate de la ville d’Alger, dont le développement urbain s’est fortement intensifié à l’époque ottomane, puis de manière encore plus marquée après la conquête française en 1830, a accéléré la disparition de Rusguniae. Les vestiges antiques furent progressivement démantelés, servant de carrière de pierre pour les nouvelles constructions de la ville voisine.
. Les Recherches Archéologiques réalisées a Rusguniae.
. Au XIXe siècle, Louis Adrien Berbrugger, fondateur du musée d’Alger, fut l’un des premiers à documenter les vestiges visibles autour de Rusguniae. Il mentionna notamment des murs, des tranchées de rempart, ainsi que les restes d’un aqueduc et d’un château d’eau, témoins d’une infrastructure romaine avancée et d’un système hydraulique bien établi.
. À la fin du XIXe siècle, les fouilles menées par Chardon entre 1899 et 1900 permirent de révéler plusieurs structures majeures malgré les dommages causés par l’érosion maritime. Ces découvertes incluaient une basilique chrétienne, des thermes, ainsi que de nombreuses sépultures, soulignant le rôle important de Rusguniae dans l’organisation urbaine romaine d’Afrique du Nord.
Des thermes romains bien conservés
Les thermes de Rusguniae, en partie dégagés après l’effondrement d’une falaise, ont révélé des éléments caractéristiques de l’ingénierie romaine : hypocaustes (chauffage au sol), deambulatorium, mosaïques, et lampes en terre cuite décorées de cavaliers et d’oiseaux, certaines marquées du monogramme d’un fabricant.
Un trésor monétaire découvert en 1943
En août 1943, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de l’opération Torch, un groupe de soldats américains découvrit par hasard un trésor numismatique sur la plage de Tamentefoust. En creusant avec un bulldozer, ils mirent au jour une urne contenant 130 sesterces romains, couvrant une période d’environ 150 ans.
Aujourd’hui, l’urbanisation de Tamentefoust recouvre en grande partie l’antique Rusguniae. Malgré les témoignages archéologiques et les fouilles anciennes, la ville est menacée d’oubli. Ce qui fut autrefois une cité punique, puis un centre romain et byzantin actif, risque de disparaître définitivement sans protection ni valorisation.
Vestiges des Thermes Romains.
Extension de la Cité.