À quelques kilomètres du centre d’Alger, caché entre les flots de la Méditerranée et les constructions modernes du littoral, se dresse un vestige méconnu mais ô combien symbolique : le Fort de l’Eau, connu autrefois sous le nom de Bordj El Kiffan, ou encore Fort-des-Coteaux. Ce site historique, aujourd’hui en grande partie oublié et en ruine, témoigne de l’ingéniosité défensive ottomane et de la richesse du patrimoine militaire algérien.
. Architecture du Fort de l'Eau
Le Fort de l'Eau est conçu pour résister à divers types d'attaques grâce à une architecture défensive sophistiquée. Les murs épais en pierre assurent une protection contre les attaques par canons, tandis que des bastions situés aux coins permettent de défendre le fort sous différents angles, tant depuis la mer que depuis la terre. Un système de fossés de défense entoure le fort, empêchant toute approche directe et ajoutant une couche de sécurité supplémentaire.
L’armement du fort est renforcé par des batteries d'artillerie, permettant de repousser les navires ennemis grâce à des canons placés sur les bastions. Cela offre une portée de tir étendue, rendant les attaques maritimes difficiles.
L’entrée du fort est protégée par une porte renforcée et accompagnée de bâtiments annexes tels que des entrepôts pour les munitions et des logements pour les soldats. À l'intérieur, des réservoirs d'eau garantissent l'approvisionnement en eau douce des troupes, tandis que des casemates aménagées autour d'une cour centrale permettent une organisation optimale pour les opérations de défense.
. Une forteresse née au sommet d’un rocher.
C’est en 1556, en pleine domination ottomane, que le pacha Mohammed Kurdogli choisit un rocher abrupt en bord de mer pour y poser les bases d’un fort défensif, sous l’autorité du grand sultan Soliman le Magnifique. Ce projet militaire stratégique visait à protéger la ville d’Alger, alors carrefour naval en Méditerranée, contre les assauts maritimes des puissances européennes.
Il faudra pourtant attendre 1581 pour que la construction du fort soit achevée par Djafar Pacha, sous le règne de Murat III. Le fort, dès lors baptisé Bordj El Kiffan, ou "fort des précipices", en raison de sa position en surplomb de la mer, devient un maillon essentiel du système défensif de la régence d’Alger.
Pensé pour surveiller et défendre l’entrée de la baie d’Alger, le Fort de l’Eau était doté de remparts épais, de bastions adaptés à l’artillerie, et d’un réseau de fossés pour contrer les attaques terrestres. Grâce à sa vue panoramique sur la mer, il permettait de repérer toute flotte ennemie approchant d’Alger.
Ce n’était pas un simple poste de garde : c’était un véritable bastion stratégique, symbole du savoir-faire militaire ottoman sur les côtes nord-africaines.
. De forteresse ottomane à poste douanier colonial.
Après la prise d’Alger par la France en 1830, le fort change de mains. Il est officiellement renommé Fort de l’Eau le 25 avril 1855, un nom inspiré par la présence d’une source d’eau douce à proximité. Un détail crucial pour les soldats, mais aussi pour la population locale.
Le fort perd alors sa vocation strictement militaire : il est cédé à la Douane française, qui l’utilise pour surveiller les mouvements commerciaux et maritimes. Petit à petit, son importance stratégique s’efface au profit d’un usage plus administratif et logistique.
Autour du fort, le quartier de Bordj El Kiffan se transforme au fil du XXe siècle. Avec ses plages étendues et son climat agréable, la zone devient une station balnéaire prisée, notamment pendant l’époque coloniale. Hôtels, villas et infrastructures touristiques fleurissent autour du vieux fort, devenu simple témoin silencieux du passé.
. Un patrimoine en péril.
Aujourd’hui, le Fort de l’Eau est en danger. L’érosion, le manque d’entretien, l’urbanisation anarchique et l’oubli institutionnel ont gravement détérioré l’édifice. Pourtant, il demeure un site à haute valeur historique, à la croisée de trois périodes : ottomane, coloniale et moderne.
Mosquée Antique de Bordj el Bahri.