Casbah d'Alger : La Place des Martyrs.


Avant 1830

Comme la plupart des grandes villes arabes, Alger s'organisait autour d'une zone centrale, située au point de convergence des trois rues principales de la ville :

La rue de Bâb al-Djzïra (ou de la Marine) qui conduisait vers le port, et par où pénétraient en ville les marchandises importées, et les prises.

La rue de Bâb Azzoûn située au sud de la ville, et par où pénétraient en ville les marchandises de l'intérieur du pays.

Nouvelle Rue Bâb Azzoûn.

La rue de Bab el-Oued ou Porte du Ruisseau débouchait sur la porte nord de la ville et jouait un rôle moindre, du point de vue commercial.

"Fontaine en marbre blanc (Jardin de Prague) existant à Alger depuis la période ottomane à l'emplacement de la place des Martyrs" : Le Soir d'Algérie.


A l'intérieur du triangle que définissent ces trois artères, on trouvait réunis tous les points vitaux de la ville :

Les Centres du Pouvoir : Composés du Palais du Dey (situé dans le vaste Complexe de la Djenina), Dâr al Sikka (où était frappée la monnaie), Le Bayt al-Mâl (siège de l'administration financière), le Poste des Bûlukbâsî (siège des officiers de la milice turque), et le Tarsâna (chantier de construction navale).

Moule de Frappe : Période Ottomane : Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques.

Le Palais de la Djenina

"Le Palais de la Djenina appelé également Dar Soltan el Kedima était situé dans la partie basse de la ville. Il aurait été en premier lieu la résidence du roi Selim Eltoumi. On avance que Salah Rais, pacha d’Alger avait fait commencer la construction du nouveau palais sur le même emplacement entre 1552 et 1556. Le complexe comptait de nombreux bâtiments, dont le Palais du Sultan construit par Salah Raïs, la Mosquée Djama-Ech-Chouach fréquentée par les gens de service du palais, et ou le dey Mustapha y fut massacré en 1806, Dar Hamed, le harem du Dey Hamed, les fours et les magasins de manutention, le petit jardin du Palais Turc de Salah Raïs. 

Le dernier Dey a y avoir résidé est le dey Ali Khodja jusqu'en 1817, date à laquelle il abondonna le vieux palais pour s'installer au niveau de la citadelle, évitant ainsi le sort de son prédécesseur, le dey Ahmed, assassiné en 1808 par les janissaires.".


Un incendie détruisit en 1844 une grande partie de cet édifice, qui fut entièrement démoli, à la pioche en 1856. Le seul témoin qui nous reste à ce jour de ce vaste complexe est Dar Azziza.

L'horloge que l'on aperçoit sur la tour centrale du palais est une adjonction française, en 1833 (elle sortait des ateliers Wagner en France). Enlevée après l'incendie du 26 juin 1844 elle fut placée provisoirement sur un échafaudage contre le mur ouest de Djemaa Djedid en 1847. Elle fut installée définitivement sur le minaret en 1855".


Inscription de la Porte El Djenina - 1042 h - 1632 a.j : Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques.


Inscription Turque Provenant de l'Ancien palais de la Djenînà Exposée Musée National des Antiquités et des Arts Islamiques .


Traduction Devoulx : Corpus des inscriptions arabes et turques de l’Algérie, volume I.

"O mon Dieu, conserve-nous en ta garde! O toi qui vois ces traits, que Dieu, en sa grandeur immense, nous facilite à tous l'accomplissement du bien! Lorsque certains d'entre nous, soldats d'Alger, mourront à la guerre sainte ou tomberont en captivité sans avoir d'héritier, leurs biens, restreints ou nombreux, seront vendus par l'intermédiaire du Trésor public des musulmans; le produit en sera placé sous scellés, après décompte, et remis en dépôt entre les mains du syndic du bedestan, 'Ben 'Omar Orloû'. Si le propriétaire revient après délivrance, il reprendra de sa propre main le prix de la vente, qui lui sera attribué. Après quarante ans, le Trésor en prendra définitivement possession. Si quelqu'un cause la violation de ces prescriptions, que la malédiction de Dieu soit sur lui, que la malédiction de Dieu soit sur lui, que la malédiction de Dieu soit sur lui, ainsi que celle des anges et des hommes réunis! Écrit par autorisation de la totalité de l'armée assistée de Dieu (qu'il soit exalté), et ce, dans les derniers jours du mois de rejeb le déclinant, de l'an mil cent vingt-deux". 


"Et quiconque d'entre nos beys d'Alger n'aura pas servi avec conscience et aura pris la fuite en emportant l'impôt, s'il vient à être arrêté aura la tête broyée dans un mortier. La malédiction sera prononcée contre ceux qui commettront des actes analogues et il ne leur sera plus octroyé de charge publique. Du consentement général, l'inscription en a été faite à cet endroit. 1122".

Au Musée National des Beaux Arts



Les Mosquées : La Mosquée Hutba (siège du tribunal des Qàdi "mahkama"), la Mosquée al-Sayida, (le plus élégant des monuments religieux d'Alger), la Mosquée Al-Djedïd, la Grande-Mosquée, la Mosquée Ketchaoua, et la Mosquée Ali Betchine.

La Mosquée Es-Sayida

La Mosquée Es Sayida se trouvait en face de l'entrée principale du palais des Pachas. Elle date de la période de la régence d'Alger. Toutes les archives dont la plus ancienne remontant à 1564, s'accordent, sans exception, à appeler cet édifice Djama Essayida (la Mosquée de la Dame). Cette appellation était destinée à rappeler que l'édifiée auquel elle s'appliquait devait sa construction à une riche dame ottomane qui a financé sa construction. 



La mosquée Essayida fut reconstruite par Mehemmed-Pacha (1765-1790). Cette reconstruction n'a pas eu pour résultat de changer la dénomination de cet édifice, qualifié à l'époque comme un chef-d'œuvre architectural. Le nouvel édifice était des plus élégants à l'intérieur. 

M. Auguste Lodoyer, ancien membre de la Société historique algérienne le décrit ainsi : 

" L'ensemble de cette mosquée n'avait à l'extérieur rien de remarquable c'était une masse à peu près informe, englobée dans un grand nombre de maisons agglomérées et enchevêtrées les unes aux autres, sans symétrie ni aucune séparation de rues visibles à vol d'oiseau. L'unique porte qui donnait entrée dans l'édifice était en bois, à petits compartiments peints de différentes couleurs. Elle était dans un encadrement en marbre jadis blanc, sculpté et formant un arceau surmonté d'un fronton, le tout d'un style équivoque. Cette entrée était à l'Ouest et en face de l'entrée principale de la grande cour du palais, à peu près, si ce n'est juste, à l'angle formé aujourd'hui par les arcades de la façade de l'hôtel de la Régence et par la rue Bab-el Oued. 

Le minaret était à l'angle Est de la mosquée et par conséquent du côté opposé à la porte d'entrée. il avait la forme de celui des deux mosquées actuelles de la rue de la Marine, et était encadré, à l'extrémité supérieure, par des plates-bandes en carreaux de faïence vernis et de couleurs verte, jaune et blanche. Une coupole élégante et d'une grande hardiesse de dessin, formait le milieu de l'édifice. Elle reposait sur des bas-côtés soutenus par une vingtaine de grosses colonnes en marbre blanc, les mêmes, qui ont servi plus tard a former le péristyle actuel de la grande mosquée de la rue de la marine. Ces bas-côtés servaient eux-mêmes, à droite et à gauche, des tribunes réservées pour le Souverain et sa cour. Elles étaient ornée de balustrades finement sculptées et formées par compartiments dont chacun avait une coupole festonnée et découpée en arabesques du meilleur style et du meilleur goût. Des versets de Coran grands caractères dorés, formant des cartouches d'un bel effet, étaient écrits de distance en distance autour de la coupole principale"

Colonne de la Mosquée Es Sayida Réutilisées Pour la Construction de la Nouvelle Façade de Jamaa el Kebir.


Djama Essayida a été le premier monument abattu à Alger, avec la pioche et le marteau en novembre 1832. 
  

Noms de quelques-uns des administrateurs de cette mosquée : 

En 972 (1564-1565), Saïd ben Ahmed Echerif el-Hamzi. 
En 1074 (1663-1664), Hossain ben-Mustapba, Cadi Hanafi. 
En 1090 (1679-1680), El-Hadj ali ben Ali, dit Ben Essinsou et Et-Hadj Mohammed ben et-Haddjam.
En 1114 (1702-1703), Et hadj ibrahim, le teinturier, ben El-Hadj Hamida, l'Andalou, et EÏ-Hadj Hassan Agha, le turc. 

Mosquées Encore Présentes Aujourd'hui 
Voir le Détail dans la Rubrique : A la Découverte du Vieil Alger : Lieux de Culte. 

La Mosquée Malikite Djamâa El Kebir (الجامع الكبير) dont construction remonte au XIe siècle par l'Almoravide Youssef Ibn Tachfin. 


La Mosquée Ottomane Ketchaoua dont la Construction est Antérieure à 1612. 


La Mosquée de Ali Bitchin (Mosquée de Zouj Euyoun) Postérieure à 1032 H / 1622 , construite par Ali Bitchine.


La Mosquée hanafite Djamaa djedid ou La mosquée de la pêcherie Destinée aux Turcs de la ville construite en 1660.


Cette zone polyvalente centrale était située au point de contact des deux grandes régions entre lesquelles se divisait la ville d'Alger :

1. Une ville basse appelée alWatà ou la plaine, où se concentrait la vie publique, les activités commerciales et artisanales (souk Bàb al-BahrBashmâqgiyya Bâ'a al-khoudra ou marchands de légumes,  zanqat al-Dawwàba ou fileurs d'or,  al-Farràga ou serruriers,  souk al-Gazzâl ou marché du filé,  souk al-Hawwàtine ou marché aux poissons,  Maqâîsiyya ou tourneurs d'objets en corne,  zanqat al-Nouhâs ou impasse du cuivre, al-Rasàisiyya ou les plombiers,   al-Sabbàgîn ou teinturiers,  al-Siàgha ou bijoutiers,  al-Sammà'in ou ciriers,  al-Saqmâqgiyya ou armuriers ainsi que le Badastân où l'on avait vendu les effets des prises et les esclaves, mais qui, avec la réduction du rôle de la course dans l'économie de la Régence, était devenu un marché pour les tissus et où habitaient les membres de la caste dominante (Janissaires et marins);

Place du Marché avec Palais El Djenina au Fond


1. Tourneur. 2. Teinturier. 3.Marchand de la Rue de Chartres. 1833. MM. A-E Lessor et W. Wyld.


Moulin Arabe. Alger. 1833. MM. A-E Lessor et W. Wyld.


EUDEL PAUL - L’orfèvrerie Algérienne et Tunisienne 


" Un attaché de chancellerie Française présent à Alger en 1830, racontait que le Dey faisait servir quotidiennement un repas de grain de blé aux pigeons de la place  "



2. Une ville haute dite Al-Djbal ou la Montagne vouée à la résidence de la population locale apelée les baladi/beldi caractérisée par un réseau très contrasté de rues : irrégulier, et abondant en impasses. 

Entre 1830 et 1962

1830 - 1841: Démolition de 420 maisons
1831 : Arrêté relatif au tracé de la Place du Gouvernement à Alger.
1838 : Ouverture de l'immeuble à deux étages "le café d'Apollon" Pl du Gouvernement (fut démoli vers 1918/19). 
1845 : Inauguration de la statue du duc d'Orléans œuvre de bronze de Marchetti (8 tonnes, 5 m) fondue par Soyer. 
1848 : Place du Gouvernement anciennement place Publique, place du Gouvernement, place Royale et place du cheval.
1864 : Le Café de Bordeaux ouvre ses portes Place du Gouvernement. 
1889 : Adjudication pour le pavage de diverse rues d'Alger ( 10.000m² ) et du pourtour de la place du gouvernement.

La Végétalisation de la Place Du Gouvernement entre 1841 et 1890

1841 : Plantation d'orangers place du gouvernement.  

1844 : Plantation de bellombras place du gouvernement introduit en Algérie par le consul d'Angleterre.

1848 : Plantation d'un peuplier au centre de la place du gouvernement.

1890 : Plantation de ficus place du gouvernement. 



Ficus Datant de Plus d'Un Siècle. 


La Statue Equestre qui représentait Ferdinand-Philippe, Duc d’Orléans a été réalisée entre 1842 et 1844 par le sculpteur italien Carlo Marochetti et fondue par le parisien Soyer.


Érigée Place du Gouvernement à Alger à côté de la mosquée de la Pêcherie en 1845, la statue  ainsi que les deux bas-reliefs sont rapatriés en France en 1963. L’œuvre avait été fondue en deux exemplaires. La statue ramenée d'Alger se trouve sur le rond-point Chauveau (Neuilly sur Seine). Le second exemplaire est au Château d’Eu en Seine-Maritime.

 La Statue : Place du Duc d’Orléans


De 1962 à nos Jours

À l'indépendance de l'Algérie en 1962, la Place du Gouvernement est renommée Place des Martyrs ou Sahate Chouhada. Elle est considérée comme le point de confluence des empreintes ottomane, coloniale et algérienne. La grande placette illuminée par le soleil est prisée par tous les Casbadjis,  Algérois et Algériens venus des autres wilayas.


Partie Postérieure de la Place des Martyrs vers Bab El Oued


Derrière la Place des Martyres.


En 2013, des fouilles archéologiques à l'occasion des travaux du métro d'Alger ont permis de mettre au jour sous la place des Martyrs, des vestiges archéologiques racontant 2000 ans d'histoire d'Alger. Certains remontent à l'occupation romaine, d'autres aux périodes ottomanes et byzantines. Ces vestiges étaient répandus sur quelque 1500 m² et quatre (4) strates représentant différentes époques de l'histoire de la ville d'Alger. 

Parmi ces vestiges :

. Les fondations (3 m) d’un grand mur (probablement berbère) en forme d’arc de cercle.
. Les vestiges d’un bâtiment de grande taille. Il remonte à la fin du IIe siècle. Sa surface importante (440 m2).
. Un immense sol mosaïqué dont la mise en place est datée du milieu du IVe siècle.
. Une rue d’une largeur de 6 m, orientée nord-sud (cardo).
. Une nécropole berbéro-byzantine du VIIe siècle 71 tombes.
. Des ateliers de ferronnerie.
. Deux grandes citernes, très profondes.
. Les restes du Beït El-Mal et de la mosquée Es-Sayida.
. Les Fondations de l'Hôtel de la Régence et Café Apollon.


. La Station de Metro Place des Martyrs / Sahate Chouhada.

Cette station a été mise en service en avril 2018. Elle constitue la station terminus de la ligne 1 du métro d'Alger. D'une profondeur de 60 m, elle dispose de deux accès : Place des Martyrs et Basse Casbah


Quelques photos des vestiges archéologiques trouvés au moment où les travaux ont débuté sur le site, sont exposées au niveau de la station de Metro Place des Martyres.


Des Tableaux de faïences de plusieurs mètres de longueur ornent les différents niveaux de la station de métro.


Une statue en bronze représentant une femme avec le hayak est posée au niveau du quai de la station.


Enfin on ne peut passer à la place des martyrs d'Alger sans déguster deux ou trois Mhadjab